Par un concours de circonstances, traversant la localité de Sambreville entre les entités de Moignelée et de Tamines, mon regard s'est arrêté sur une plaque de rue sur laquelle était mentionné le libellé FOND des RYS. De quoi attirer ma curiosité évidemment. Cet élément ne faisait pas encore partie du référentiel des lieux en rapport avec notre patronyme (voir article : Ou il est question de lieux-dits). En mal d'articles, il est vrai, depuis quelques temps quant à de nouvelles informations en lien avec les aspects "toponymie et géologie " sur ce blog, l'occasion me semblait opportune de voir ce qui pouvait se dévoiler derrière ce nom de rue.
Sans grande particularité sur le plan des logements, les seuls éléments qui la caractérisent sont sa déclivité moyenne de l'ordre de 7% et le fait qu'elle se termine en cul de sac. D'une longueur approximative de 300 m, la limite de l'asphalte se prolonge par une bande de terre boisée de quelques 15 m de largeur, parallèle à la Sambre et à son chemin de halage, affluent de la Meuse.
Rien de visuel ne laisse apparaître de l'existence actuelle d'un quelconque ry (ruisseau) comme le laisserait croire son appelation. L'observation et l'interprétation des lieux doivent suppléer ce qui doit sans doute être une transformation de paysage à la suite d'une modification du tracé de la rivière dans ce quartier des Bachères, mot dérivant du terme Pas Chère.
Dans la partie inférieure de la rue, la pente s'atténue pour laisser la place à une surface plane sur laquelle se sont installés des arbustes de manière quasi naturelle. Avant la canalisation de la Sambre, terminée en 1830, de nombreuses zones humides ou inondables bordaient cette rivière. Les travaux, réalisés pendant la période hollandaise (1815-1830), ont assuré un drainage de ces terres et un aménagement des berges. L'existence à cet endroit de deux anciens méandres de la rivière1, comme il en existait dans de nombreux sites, a permis la création de bras isolés, sorte de petit lac entourant un bas-fond humide2, recueillant non seulement les eaux de pluie mais aussi l'eau des quelques sources qui émergeaient sur la pente3. L'emplacement actuel se prête manifestement à une telle configuration ancienne, apportant l'explication de la dénomination de ce quartier. Ceci est confirmé par le Grand Atlas FERRARIS de 1777 qui y fait état de prairies humides drainées et de pâturages. On peut imaginer qu'un sentier menait à l'origine vers ce bas-fond alimenté par de petites sources et ayant donné l'appelation de Fond des Rys, dénomination qui aura été reprise lors de la construction de la route, y évitant d'y adjoindre la notion de rue puisque se référant directement au lieu situé en contre-bas, en bordure de la rivière.
Le plus significatif est sa localisation ancienne dans une enclave de la Principauté de Liège. Encerclé par les terres du Comté de Namur mais aussi par une petite bande de terre rattachée au duché de Brabant (Abbaye d'Oignies), ce territoire, sous l'Ancien Régime, était totalement isolé que ce soit de son lieu de gouvernance à Liège que des terres de la Thudinie relevant de l'abbaye d'Aulnes. On y retrouve aussi une forte similitude avec la terre Parfondry, entre Huy et Liège, qui est probablement à l'origine de notre patronyme (voir article : Le site du lieu Parfondry a bien existé). Ce dernier lieu4 offre les mêmes configurations de par sa topographie en pente, sa localisation en bordure de la Meuse et l'existence toujours actuelle d'une bande de terre boisée. Une similitude cependant qui ne peut être expliquée ici par une utilisation à caractère économique, comme ce fut le cas dans le territoire à proximité de Liège (voir article : La reconversion économique des Chevaliers). On se trouve plus volontiers dans une dénomination initiale du terme Fond, ayant pour origine le latin médiéval Fundreda, signifiant Fondrière5, et caractérisant les parties basses des terrains marécageux. Et non avec le terme Fundus qui s'appliquerait plus volontiers au sol d'une terre considéré comme moyen de production6. L'absence de la mention de la préposition PAR signifie qu'il n'y a aucune notion de déplacement impliquée, telle une rivière, seulement une identification d'un lieu-dit.
Ce Fond des Rys, situé à l'extrémité de ce quartier des Bachères dans la localité de Moignelée, se retrouve quelque peu isolé de nos jours. Il est pratiquement entouré de bosquets, contrairement au quartier en aval loti sur la quasi totalité. Même si Moignelée constituait une commune à part entière jusqu'en 1977, intégrée désormais comme Tamines à la nouvelle commune de Sambreville, une contrainte urbanistique majeure pouvant découler de la nature marécageuse des sols peut donner l'explication de l'appelation donnée à ce quartier.
De par sa situation historique en territoire de la Principauté de Liège et sa localisation géographique dans un endroit humide en bas de pente, il est indéniable que ce dernier lieu s'intégre dans la liste des lieux-dits recensés autour de notre patronyme. Même si on doit bien reconnaître que le terme Fond des rys ne découle pas nécessairement d'une seule et même explication pour l'ensemble des appelations.
1 Carte IGN Bruxelles 1948, Tamines (47/5) ;
2 Ces bras de la Sambre isolés sont dénommés "Vieille Sambre" dans la région ;
3 L'emplacement de ces anciens méandres constituent toujours de nos jours la limite géographique entre les communes de Sambreville et d'Aiseau-Presles ; Aucune régularisation de tracè n'a été effectuée après le percement d'un nouveau chenal supprimant ces méandres ;
4 Lieu sur lequel s'est construit un lotissement dénommé Cité des Rys ;
5 FAVRE Léopold (1883-1887) : Glossarium mediae et infinae latinitatis, éd.augmentée, Niort ;
6 Définition du Larousse ;
Vues des sections supérieure et inférieure du Fond des Rys