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3 novembre 2012 6 03 /11 /novembre /2012 20:39

     Voici la retranscription intrinsèque, en respectant les ponctuations, du plus ancien acte de mariage recensé à ce jour au niveau de la lignée des Parfonry de Neerheylissem. Il date de 1821 et concerne Jean Parfonry, le père de François-Xavier, le marbrier installé à Paris, et Jeanne Lalmand. La Belgique était à ce moment sous le régime hollandais de Guillaume d'Orange depuis 1815. Il ne restait plus que neuf années avant qu'elle ne trouve son indépendance, acquise après près de deux mille ans d'occupations diverses (romaine, mérovingienne, carolingienne, Saint-Empire romain germanique, bourguignonne, espagnole, autrichienne, française et hollandaise).

      Sa longueur le rend un peu rébarbatif à la lecture. Néanmoins, en y regardant de plus près, on parvient à en retirer, au travers de toutes ces lignes, quelques éléments permettant de retranscrire ceux-ci au sein de toute la saga des Parfonry de Neerheylissem. On arrive ainsi à consolider pierre par pierre, détail après détail, cette histoire familiale. C'est ce qui sera plus volontiers analysé à la suite de ce document.

 

      L'an mil huit cent vingt un, le septième jour du mois de septembre à dix heures du matin par devant nous M. R.J.Lowet, Mayeur Officier de l'Etat civil de la commune de Neerheylissem 2e canton de la ville de Tirlemont, province du brabant méridional sont comparus Jean Parfonrij né le septième jour du mois de décembre l'an mil sept cent nonante sept à Nerheylissem profession de domestique, ayant son domicile de droit en cette commune et de fait en la ville d'Anvers, fils de feu Jean pierre parfonry et de feue Marie Joseph Vanderlinden ses père et mère décédés en cette commune et demoiselle Jeanne Lalmand, née en cette commune le dix septième jour du mois de mars, l'an mil sept cent nonante sept en cette commune, profession de servante ayant son domicile de droit en cette commune et de fait en la ville d'Anvers, fille de Jean pierre Lalmand âgé de soixante ans, profession de journalier, domicilié en cette commune ci présent et consentant et de Agnès du Chesne et Elisabeth Lefevre lesquels nous ont requis de procéder à la délibération du mariage projeté entr'eux et dont les publications ont été faites devant la principale porte de notre maison commune les dimanches huit et quinze du mois de juillet dernier, pareilles publications ont été également faites à la ville d'Anvers les dimanches douze et dix neuf du mois d'août dernier, comme il est constaté par le certificat délivré par monsieur l'échevin délégué pour les fonctions de l'état civil de la sus ville d'Anvers en date le vingt un du mois d'aout en suivant, l'époux a justifié par le certificat délivré par son Excellence le gouverneur de la province en date le trente juin dernier sous le N0 8390 avoir satisfait aux lois sur la milice nationale, aucune opposition au dit mariage ne nous ayant été signifiée faisant droit à leur réquisition après avoir donné lecture de toutes les pièces ci-dessus mentionnées et du chapitre six du Code civil intitulé du mariage avons demandé au futur époux et à la future épouse s'ils veulent se prendre pour mari et pour femme. Chacun d'eux ayant répondu séparément et affirmativement, déclarons au nom de la loi que Jean Parfonry et demoiselle Jeanne Lalmand sont unis par mariage. De quoi avons dressé acte en présence de Jean pierre Lalmand, âgé de soixante ans, profession de journalier, père de l'époux, de Jacques Debry, âgé de vingt quatre ans, profession de cabaretier, de propert Collet, âgé de cinquante un ans, profession de garde champêtre et de Pierre Lurquin, âgé de soixante ans, profession de journalier, tous quatre domiciliés en cette commune, lesquels après qu'il leur en a été ainsi donné lecture l'ont signé avec nous et les parties contractantes à l'exception de Jean pierre Lalmand et pierre Lurquin qui ont déclaré ne savoir écrire

    De ce très long acte de mariage, on peut en extraire les quelques points suivants :

1. En cette commune

La mention la plus couramment citée est assurément " en cette commune " témoignant par là que tous les individus énumérés sont de cette commune de Neerheylissem. En 1821, date de ce mariage, on vivait encore en cercle fermé au sein de son village

2. R.J. Lowet

R.J. Lowet qui officie en tant qu'officier d'Etat civil est  Robert Lowet (1755-1823), médecin et bourgmestre. Issu du village d'Attenhoven (commune actuelle de Landen, contiguë à Neerheylissem), lui et sa descendance deviendront les propriétaires les plus importants du village de Neerheylissem, avec en particulier le château de Flône et tous les biens qui l'entourent.

3. Canton de Tirlemont

A l'époque de ce mariage, Neerheylissem est localisé dans le canton de justice de paix1 de Tirlemont. Cette situation était toujours vérifiée en 19342. Le Brabant méridional dont il est question est à opposer au Brabant septentrionnal, situé de nos jours dans les Pays-Bas (Eindhoven, Bréda). Ces deux Brabants, relevant anciennement du duché de Brabant, sont séparés depuis 1579 (Traité de Westphalie). De nos jours, ce Brabant méridional a été scindé en deux sur la base de la frontière linguistique. Neerheylissem est intégré au canton francophone de Jodoigne. Le transfert de la justice de paix s'est effectué assez tardivement.

Dans les années 1950, ce lien avec la ville de Tirlemont était toujours réel. Pour les communes aux environs de Jodoigne, l'attrait de la journée du marché, poumon économique d'une région, était toujours porté vers Tirlemont. La Place du Marché à Tirlemont, qui par ailleurs mérite d'être vue de part l'utilisation de la pierre blanche de Gobertange, similaire à la Grand-Place de Bruxelles, a été un lieu d'attrait important pendant longtemps. C'est aussi l'une des plus grandes places du pays.

Plusieurs exemples récents dans la famille attestent de ce lien avec Tirlemont.

Mon grand-père Emile, l'instituteur a épousé une fille de Tirlemont en 1919. Mon père Georges, peu après la guerre, a rencontré sa future épouse dans un bal à Tirlemont. Mon oncle Adolphe Berger, frère de ma mère, s'est installé dans un commerce de draps et tissus à Tirlemont, après y avoir épousé une personne du cru. Moi-même, je suis né à Tirlemont, seule entité régionale disposant, après la seconde guerre mondiale, d'une infrastruture hospitalière. Sans oublier que c'est à Tirlemont que s'est décidé le choix de ma carrière au début de l'année 1975 (voir article : La conséquence d'un attentat au Maroc !)

4. Ecriture

L'écriture des noms n'est pas encore formellement assurée. Ainsi, le nom de famille de Jean, le marié, s'écrit une première fois avec le ij (Parfonrij) puis avec le y (Parfonry).

Quant à la mariée, son nom de Lalmand présente déjà une évolution dans l'écriture par rapport aux premiers de la lignée, s'écrivant L'Alman. Et qui évoluera plus tard sous la forme de Lallemand. Il n'y a donc aucune origine allemande attestée dans ce nom de famille contrairement à ce que l'écriture actuelle pourrait faire croire.

Il en est de même de celui d'Agnès du Chesnes, dont le nom de famille sera par la suite définitivement repris sous l'écriture Duchaine.

5. Témoins

Si la mariée dispose de son père comme témoin, aucun autre des témoins ne présente un lien familial avec le marié. Même si la famille Parfonry était peu nombreuse, Jean avait à sa disposition son frère ainé Emmanuel (1795-1879), âgé à ce moment de 26 ans. Son absence laisse à penser qu'il pouvait exister un conflit entre les deux frères. Peut-on en déduire que les descendances des deux frères se trouveront en phase de conflit ou de dispersion à partir de cet instant, pouvant expliquer l'absence de preuves réelles de relations jusqu'au moment des retrouvailles entre les deux lignées au début du XXIème siècle ?

Le témoin principal du marié est en fait Proper Collet (1767-1839). On le découvre déjà à ce titre pour confirmer l'acte de naissance du marié le 18 frimaire an 6 (soit  le 7 décembre 1797) ainsi que sur l'acte de naissance de son frère Gabriel en mai 1800. Prosper Collet habitait dans la rue des Charrons, dans une maison attenante à celle des Parfonry (les n° 9 et 11 du recensement de 1840). Et particularité significative, les deux maisons sont toujours occupées de nos jours par leurs descendants. En ligne directe pour les Parfonry et indirecte pour Collet, suite au mariage de sa petite-fille avec François - Xavier Claes, le receveur communal. Cette maison porte toujours de nos jours l'appelation  " a mon Collette ", en référence au premier habitant du lieu, tandis que celle des Parfonry  se dénomme " a mon Tchitchi ", appelation plus récente remontant à Alexis Parfonry (1853-1924), mon arrière-grand-père.

On retrouve certaines informations pour les autres témoins.  Pierre Lurquin (1762-1851), habitait également dans cette même rue des Charrons (n° 19 du recensement de 1840) . Il est déclaré non plus comme journalier mais comme cultivateur en 1840. Quant à Jacques Debry (1792-1880), il exerçait son métier de cabaratier dans un café situé 7 rue de Léau (recensement de 1840)considéré comme "particulièrement pittoresque avec terrasse".3

6. Généalogie de la mariée

L'information la plus curieuse relève du fait que la mariée est mentionnée comme la fille de deux personnes : Agnès du Chesnes (Duchaine) et Elizabeth Lefevre.  Selon l'arbre généalogique, la première est de fait sa grand-mère et la seconde est bien sa mère.

Agnès Duchaine, la grand-mère, née en 1735, s'est mariée en 1760 à Jean Lalmand (1731-1781). Elle est la fille ainée du maréchal-ferrand Jean-Jacques Duchaine qui fut le premier d'une lignée de quatre Duchaine à  pratiquer ce métier à Neerheylissem. Agnès est en outre décédée le 11 décembre 1820, soit neuf mois avant la date du mariage, à l'âge de 86 ans.

Quant à Elisabeth Lefevre (1758-1828), la mère effective de Jeanne, ele s'est mariée en 1784 avec Jean-Pierre Lalmand (1761-1834). Jeanne, la future épouse, née en 1797, est le septième enfant de ce couple.

Pour quelle raison fait-on mention sur l'acte de mariage de la grand-mère déjà décédée ? On pourrait penser à un oubli du rédacteur pensant globaliser la présence des deux femmes, en omettant le décès de la grand-mère. Mais cela ne correspond pas précisément alors que l'on prend un soin important à mentionner chaque date et âge des contractants et des témoins.  On constate qu'il n'est manifestement pas fait mention de leurs dates de naissance et âges à toutes les deux, contrairement aux autres personnes.  Curieuse façon de retranscrire un acte officiel !! Faut-il croire que l'époque était à la galanterie pour ne pas dévoiler l'âge de ces dames !! Il y a bien une explication plus logique, mais laquelle ......

7. Instruction

On relève que deux des témoins dont le père de la mariée sont analphabètes. Ils exercent tous deux le métier de journalier, métier ne nécessitant pas à l'époque de formation scolaire. Il en découle que la mariée Jeanne est probablement issue d'un milieu défavorisé. Elle descend de fait de lignées cadettes, durant plusieurs générations, par rapport à celle ayant bénéficié du métier de charron. Septième d'une fratrie de huit, seul son frère cadet Ferdinand aurait acquis un métier, celui de plafonneur4.

Le mari, Jean Parfonry,  est reconnu comme domestique. Il devait dès lors travailler pour une famille à Anvers, son domicile de fait.

8. Localisation

Les futurs époux sont domiciliés de fait à Anvers à la date de leur mariage. Or, curieusement, leur premier enfant, François-Xavier naitra le 3 décembre de la même année à Neerheylissem, soit trois mois après la date du mariage. Celui-ci a du être quelque peu organisé dans la hâte, afin de donner à cet enfant une légitimité, contrairement à son grand-père, le maitre-charron, qui avait été reconnu comme illégitime, lors de sa naissance en 1762. Mais, pourquoi la mariée est-elle restée à Neerheylissem ? Par sécurité - meilleur environnement familial - enfant non désiré - rupture avec le père ? Plusieurs pistes se présentent. Laquelle est la bonne ?

9. Milice

Jean avait satisfait aux lois sur la milice. Attesté par le gouverneur de la Province d'Anvers, cela signifierait qu'il a effectué son service militaire dans cette province. Indiquant par là qu'il avait quitté Neerheylissem depuis quelques temps déjà.

10. Après

Si on sait, avec précision que le marié déclarera par la suite d'autres enfants dans la ville d'Anvers, y attestant de son retour, rien n'est certain sur le parcours de Jeanne Lalmand, la mariée. Elle décède à Bruxelles en 1877.

11. Découverte récente

Une trace de l'existence d'un dossier sur Jean Parfonry vient d'être décelée récemment. Il se trouve dans l' "Inventaris van het archief Dumercy (1809-1860)"5, conservé aux archives de la Province d'Anvers (Felix Archief). Le dossier date de 1839 et concerne une affaire dénommée : Parfoury contre Laruelle. C'est l'erreur dans l'écriture qui a empêché que l'on découvre l'existence de ce document plus tôt.

Manifestement, cette découverte nous ouvre une piste intéressante pour découvrir ce personnage de Jean Parfonry, dont on ne connait pratiquement rien sur son existence, même pas sa date et son lieu de décès. Père du marbrier François-Xavier Parfonry, installé à Paris en 1840, soit une année après ce dossier, on pourrait peut être y découvrir des informations intéressantes. Cette date de 1839 confirme de toute façon que Jean Parfonry était toujours à Anvers, dix-huit années après son mariage. Il était âgé à ce moment de 42 ans.

Un déplacement à Anvers devra s'en suivre pour découvrir le contenu de ce dossier.

  NB : merci à Agnès Parfonry pour m'avoir transmis par mail une copie de cet acte de mariage

1 Canton de justice de paix (ou canton judiciaire) : En Belgique, ce type de canton est constitué d'un ensemble de communes relevant d'un même Juge de paix; c'est la première échelle de la structure de la Justice avant le Tribunal de 1ère instance, la Cour d'Appel, la cour de Cassation et le Conseil d'Etat ;

2 Eugène de SEYN (1934) : Dictionnaire historique et géographique des communes belges, Tome II, A. Bieleveld, Bruxelles ;

3 Ces informations sur les témoins sont extraites de deux livres :

DELANDE Jean (1999) : Neerheylissem en 1796 et 1840. Ses maisons, ses rues, ses habitants ; ronéo ;

Van ORLE Robert (1978) : Les cahiers d'Hélécine. Numéro spécial. "Hélécine" images du passé, éd. Goyens, Neerheylissem

4 DELANDE Jean (1991) : Généalogie des LALMAND de 1687 à 1991, CRHG Hélécine;

5 Jean Matthias DUMERCY (1815-1853) fut un avocat ayant exercé à Anvers de 1838 à 1853 ;

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