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18 décembre 2012 2 18 /12 /décembre /2012 21:30

     La bibliothèque, qui avait été reléguée un jour dans le grenier de la maison familiale, y a poursuivi son existence pendant plusieurs décennies. Les livres continuaient à se soutenir l'un contre l'autre, comme pour se protéger de la poussière, de la lumière traversant la tabatière, comme, dans un élan de solidarité, pour se souvenir du temps de leurs lectures, de leurs manipulations, de leurs joies d'avoir vu passer le temps sur un recoin de guéridon ou de table de nuit de la chambre à coucher.

     Après y avoir détaillé les dictionnaires d'Emile, le grand-père (voir article : Les dictionnaires du grand-père) et relevé la présence des romans de Jean TOUSSEUL, lus par Georges (voir article : L'influence de l'école moyenne de Jodoigne), il nous restait à poursuivre l'inventaire. A ces deux séries extraites de l'ensemble de la bibliothèque, et hormis ceux qui y étaient par obligation à titre individuel, à l'image de tous ces inoxydables repris par séquence dans la collection littéraire LAGARDE et MICHARD, et qui pourraient se retrouver sur les étagères d'une exposition du type " Musée de la lecture d'autrefois ", on y découvrait aussi les romans mettant en exergue le personnage truculent de Toine CULOT. 

    Cette série, oh combien célèbre en pays wallon, est l'oeuvre d'Arthur MASSON (1896-1970), docteur en philosophie et lettres mais surtout écrivain belge d'expression française. Constituée de cinq romans, insérant à travers les pages des dialogues en dialecte wallon, elle se dénomme " La Toinade ", car  tournant autour de son héros Toine CULOT, personnage apparu en 1938 dans le premier de la série Toine Culot, obèse ardennais. Puis suivirent successivement Toine, maïeur de Trignolles1 en 1940, Tanasse et Casimir en 1942 et en dernier Toine dans la tourmente, vol. 1 et 2 en 1946.

      Les cinq romans se trouvaient là, sur les étagères du grenier, reconnus pour avoir diverti une génération de wallons pendant et après la seconde guerre mondiale. En alliant un esprit d'observations, la description de la vie rustique, l'expérience de la psychologie paysanne et une riche galerie de portraits villageois, la lecture de ces romans permettait de compenser le sentiment d'oppression d'une armée d'occupation. Une forme d'expression silencieuse et de conscience sélective. En Toine et sa femme Hilde, la Wallonie possède de fait son César, son Honorine, tous deux sortis précédemment de la verve provençale de Marcel PAGNOL.

       Pour l'attester, voici une pépite de dialogue en wallon :

           Toine : Je ne suis né pu biesse qu'ène aut'

           T Deome (le cousin) : Ca, je vous ben le crwère....Mais dji vourrè bin vier l'aut quant mêm

      Arthur MASSON ne se limita pas à retranscrire son personnage fétiche. Il fut un auteur du terroir prolixe, ce qui lui permit de faire également partie de la liste des cent wallons du XXème siècle, tout comme Jean TOUSSEUL.

      La présence, dans le grenier, de cette série de romans sur Toine CULOT confirme bien que Georges ait combattu dans le silence en s'enrichissant de la lecture de ses personnages fleurant bon le terroir et l'identité wallonne.

      Et c'est sans me faire prier que de nos jours, encore que ce soit trop rare, j'apprécie de descendre cette jolie vallée du Viroin, le long de laquelle se retrouvent les lieux empruntés par les personnages de la Toinade. Un espace de bois, de pelouses sèches calcaires et d'herbages où l'on y trouve encore des orchidées sauvages. Entre Couvin et Treignes2, en passant par Fagnolles3, Nismes, Vierves-s/Viroin3, Olloy-s/Viroin, Matagne-la-Grande, Matagne-la-Petite, Romerée, Gimnée, Niverlée, Vaucelles, Mazée, Doische, avant de se jeter quelques encablures plus loin dans la Meuse du côté français, on pourrait se croire un peu hors du temps. La belle région naturelle de la Calestienne4 est à découvrir pour ses paysages, ses villages, ses musées, sa géologie, sa flore. En voiture, à pied, en vélo le long du RAVEL5 ou en prenant le Chemin de fer touristique des Trois Vallées6, le choix y est diversifié.  

     Que dire alors des lieux comme le Fondri des Chiens7 et le rau des Fonds de Ri qui donnent à cet espace, via notre patronyme, un certain air d'appartenance, d'appropriation et de bien-être quand on s'y promène. Mais de cela, Georges n'y avait certainement pas pensé, lorsqu'il lisait les péripéties de Toine CULOT.

   

1 Trignolles est la contraction des villages de Treignes et de son hameau de Matignolles, tous deux situés dans la vallée du Viroin, appartenant à la région naturelle de la Calestienne ;

2 Le village de Treignes vaut le détour, non seulement pour ses paysages, mais aussi pour ses  musées : L'Espace Arthur MASSON, L'Ecomusée du Viroin, Le Musée du Malgré-Tout , Le Musée du Chemin de fer ;

3 Fagnolles et Vierves-s/Viroin sont inscrits dans la liste des plus beaux villages de Wallonie ;

4 La Calestienne est une région géographique et géologique particulière, s'étendant du SW au NE, de Chimay à Aywaille, d'une largeur de 10 km , formant un serpent entre la région Fagne-Famenne et l'Ardenne ;  elle se caractérise notamment par la présence de grandes grottes calcaires (Han-s/Lesse, Hotton, Aywaille, Remouchamps,..) ; voir site http://www.fossiliraptor.be/la%20calestienne.htm ;

5 RAVEL (Réseau Autonome des Voies Lentes), appelation wallonne équivalent aux voies vertes; édifiées sur les anciennes voies de chemin de fer, trams et chemins de halage ; dans ce cas, il s'agit de la liaison Mariembourg-Hastière d'une longueur de 28,4km ;

6 Trois Vallées : dénomination englobant les vallées de l'Eau Noire et de l'Eau Blanche qui en se rejoignant donnent naissance au Viroin à partir de Nismes ;

7Fondri des chiens : belle dépression karstique, située sur le village de Nismes, d'une vingtaine de mètres de profondeur ; anciennement exploité pour l'extraction du fer; classé Réserve naturelle ;

 

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commentaires

A
J'aime ce personnage de Toine, avant même de l'avoir lu... J'aime découvrir les secrets de cette région wallonne. Je vais me renseigner sur Arthur masson. Bonnes fêtes sur le blog ! Les noms de<br /> lieux que tu évoques sont très poétiques ...et évocateurs des activités de cette région. A bientôt, Agnès .
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P
<br /> <br /> Si je comprend bien, tu es disposée à lire un roman avec Toine Culot. As-tu compris le petit dialogue en wallon servi dans l'article ? La région de la vallée du Viroin vaut le détour, comme<br /> d'ailleurs beaucoup d'autres régions en Belgique.<br /> <br /> <br /> Joyeux réveillon de Noël auprès des tiens.<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Le cadre directeur de ce blog consiste à réunir ce qui peut être transmis sur un patronyme. La présentation de tous ces personnages n'est finalement qu'une manière de transférer un patronyme. Qu'il soit culturel, social ou historique, ce patronyme ne fait que proposer un film dans lequel les séquences sont des instants de vie. L'environnement, le vécu de chacun a probablement plus d'impact sur ce que nous ressentons. Les gênes se diluent plus vite que le lien avec le mode de vie et les rencontres. Cette vision oblige à élargir le champs d'investigation en déviant de l'aspect purement généalogique. La découverte de nouveaux indices motive et assimile parfois cette recherche à une enquête. L'histoire ne peut être racontée de manière linéaire. Chaque élément, chaque personnage a droit à son histoire dans le récit tout en suivant le dénivelé et les courbes imposés par les aléas de l'Histoire et de la vie. Contrairement au patrimoine, un patronyme se voit contraint de s'adapter aux vicissitudes des évolutions sociales et des guerres. Le contenu des quelques 350 articles de ce blog a été rassemblé dans un livre intitulé "La véritable saga des PARFONRY de Neerheylissem - L'histoire d'un toponyme devenu un patronyme ".
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