Lors d'une discussion, à bâtons rompus, à Briou, Jean-Pierre avait attiré mon attention quant à l'importance à accorder à la question se rapportant aux migrations en lien avec la ville d'Anvers. J'avais conservé en mémoire cette réflexion qui s'est vue confortée progressivement. Tout en ayant déjà relaté le passage de Jean, le père de François-Xavier, à Anvers, au-travers de plusieurs articles de ce blog (voir articles : Parfonry contre Laruelle en 1839 ; L'acte de mariage de Jean et de Jeanne), les éléments d'informations qui accréditent de sa présence restaient malgré tout assez ténus. On peut affirmer néanmoins que le parcours de François-Xavier a débuté dans cette ville.
Né en 1797, et ayant perdu son père, maître-charron, dès 1803, on peut aisément comprendre que l'adolescence de Jean ne s'est pas déroulée dans la sérénité. Par son mariage en 1821 à Neerheylissem, à l'âge de 24 ans, on apprend également qu'il était déjà domicilié de fait, tout comme sa future épouse, à Anvers, y exerçant comme domestique. Jeanne LALMAND, la mariée, y est déclarée, quant à elle, comme servante. Un certificat signé par le Gouverneur de la Province d'Anvers atteste qu'il a satisfait aux lois sur la milice à ce moment. Fin de l'année 1839, il quittera cette ville pour Bruxelles, y habitant dans la rue Haute. Des deux lettres écrites de sa main, remontant à cette époque, on y reconnait une certaine maitrise de l'orthographe et une écriture lisible.
Ces quelques indications étaient les seules éléments connus sur celui qui est le point focal de la lignée française, tout comme son frère Emmanuel est celui de la branche restée en Belgique.
Une étude assez récente, visant à étudier les circuits de migration vers le port d'Anvers durant la période 1760-1860, apporte une nouvelle pierre pour nous aider à mieux cerner ce personnage. Son nom y apparait très explicitement dans une petite phrase.
WINTER Anne (2009)1 : Migrants and Urban Change : Newcomers to Antwerp, 1760-1860 ; Pickering and Chatto Publishers, 318 pages
p. 277: .....All but one of the thirteen plafonneurs recorded in 1829, in turn, stayed either with Jean Parfonry, innkeeper from Bas-Helecine or the widowed labourer Aldegonda Sergeant from Jurbise2.
Comme toujours, dans ce genre de découverte, l'important est de faire parler ces quelques mots retrouvés et noyés dans les explications abondantes accumulées dans un document mélangeant dans son approche les aspects historiques, socio-économiques et sociologiques. De ce court extrait, on en retient cinq éléments essentiels :
1. Les quelques informations collectées sur Jean Parfonry émanent très certainement de l'une des 20 000 fiches de cartes de résidence3 de tous les migrants, rassemblées dès le début de la période française (1795-1814). L'évolution croissante des flux migratoires pendant cette période est manifeste. Cette base de données, dont le recensement a été poursuivi pendant l'occupation hollandaise (1815-1830), est l'élément fondamental sur lequel sont basées les analyses effectuées par Anne Winter dans sa publication ;
2. L'année 1829 est conforme à ce qu'on l'on connaissait sur la présence de Jean à Anvers. Cette date est en soi une sorte d'assurance pour attester qu'Alexis, le frère cadet de François-Xavier, qui le suivra à Paris plus tard, est bien né à Anvers en 1828. Le bombardement d'Anvers en octobre 1830 par les troupes hollandaises a détruit beaucoup de documents, rendant très aléatoire d'en découvrir son acte de naissance4 ;
3. La référence à Bas-Hélécine et non à Neerheylissem5 ne donne aucune assurance sur le fait que Jean Parfonry soit arrivé pendant la période française, soit avant 1815. Ce terme était déjà repris sur son acte de naissance, étant né en l'an 6 de la République (1797) pendant cette période. Ayant du effectuer son service militaire à Anvers, il y a par contre de fortes probabilités qu'il soit arrivé assez tôt, prabablement vers cette date de 1815, à l'âge de 18 ans.
4. La relevance du métier d'aubergiste qui aurait été exercé par Jean Parfonry à Neerheylissem est un autre indice. Ce qui peut donner un début d'explication sur la présence à son mariage à Neerheylissem en 1821 de Jacques DEBRY, le cabaretier du village. Jean avait peut être été demandé à un ancien collègue, de même âge, de lui servir de témoin.
5. La mention du métier de plafonneur6 n'est peut être pas si anodine quand on sait que Ferdinand, le frère de Jeanne LALMAND, exerçait ce métier. On peut penser que Jean et Jeanne se sont rencontrés à Anvers, où cette dernière pouvait ne pas se trouver isolée sur le plan familial.
Pour permettre de mieux comprendre l'extrait ci-dessus, il est nécessaire de donner un résumé sur le contexte historique qui est décliné au travers de toute la publication. La migration vers Anvers est à la fois la combinaison de la marginalisation des petites propriétaires terriens, du déclin de l'industrie rurale, de la disparition assez subite de l'industrie du textile à bas salaire, d'une demande croissante en main d'oeuvre plus diversifiée faisant suite aux travaux d'infrastructure et de développement portuaire initiés par Napoléon et poursuivi pendant la période hollandaise. C'est dans cet environnement nouveau que Jean PARFONRY a décidé de migrer vers Anvers.
Toute la question désormais est de trouver les références dont la fiche de la carte de résidence remplie lors de l'arrivée à Anvers de Jean PARFONRY. Cela devrait nous donner l'opportunité de rebondir pour encore mieux dévoiler le parcours de notre aïeul. A ce jour, il n'a pas encore été possible de compulser l'entiereté de la publication, ce qui devrait s'avérer être désormais un nouvel objectif.
Notre souhait serait d'entrer en contact avec Anne WINTER qui est manifestement la personne pouvant nous donner toutes les sources bibliographiques qui lui ont permis d'introduire cette phrase.
Mrs WINTER, if you take note of this article, endeavour to answer it by a comment. Sources bibliographical, which are at the origin of the text of the small sentence which is taken again of your publication, must enable us to look further into our knowledge on the course of our ancestor in Antwerp. I thank you.
N.B. : En réponse à cette requête, Mrs WINTER m'a répondu peu après. Elle signale que " la référence à Jean PARFONRY ne vient pas d'une référence directe sur lui-même, mais des cartes de séjour qui étaient accordées à des plafonneurs qui logeaient chez lui pendant l'année 1829. Jean PARFONRY est mentionné dans ces cartes de séjour comme résidant dans la 3ème section, N° 1592 dans la rue Léopold ".
Comme je le pensais, ces cartes de séjour sont absolument indispensables pour approfondir nos connaissances sur Jean PARFONRY, notamment pour découvrir la date de son arrivée à Anvers. A suivre !!!
1 Anne WINTER est diplômée en Histoire de la Vrije Universiteit Brussel (VUB) et du London School of Economics ; elle a effectué plusieurs publications axées sur le problème des migrations ;
2 Traduction : Tout sauf un des treize plafonneurs enregistrés en 1829, par contre, sont restés soit avec Jean Parfonry, aubergiste de Bas-Hélécine, soit avec Aldegonde Sergeant l'ouvrière veuve de Jurbise.
3 Toutes ces données ont été traitées et analysées à l'aide d'un logiciel de base de données (Access) et de statistiques (SPSS) ;
4 Ce qui doit être le cas également pour le peintre Ferdinand Parfonry pour laquelle l'hypothèse qu'il soit un frère de François-Xavier est assez fortement assurée (voir articles : Et si Ferdinand était des nôtres ; On a sans doute retrouvé la mère de Ferdinand Parfonry) ;
5 En se basant sur les actes, Jean Parfonry est né à Bas-Hélécine en 197 et s'est marié à Neerheylissem en 1821 ;
6 Le mot "plafonneur" n'a pas été traduit en anglais ; il est vrai que le terme "plasterer of ceilings " manque de charme par rapport à ce néologisme belge ;