Jean PARFONRY1 devait avoir à peine entamé ses études de médecine quant la première guerre mondiale démarra. Agé de 19 ans, il avait probablement été mobilisé comme de nombreux autres. La mobilisation générale qui avait accompagné la déclaration de guerre à l'Allemagne avait rassemblé plusieurs millions de personnes. On ne disposait pas toutefois d'informations sur ce qui fut son parcours. La persévérance a une nouvelle fois apporté son lot de documents inédits.
Les deux extraits repris ci-dessous permettent de confirmer la participation de Jean PARFONRY, mais aussi de le consolider par des éléments complémentaires.
Le Temps, 24 octobre 1915
p. 3 : Citations à l'ordre de l'armée : Le Journal Officiel publie les citations à l'ordre du jour des militaires dont les noms suivent :
Marcel Durand, médecin auxilliaire......... ; Violet, maréchal des logis......... ; Grandchamp de Cueille, sous-lieutenant.......... ; Goursolas, médecin-major de 2è classe........... ; Parfonry, infirmier : a montré un dévouement et un courage remarquables en allant volontairement, jour et nuit, relever et panser les blessés sous le feu de l'ennemi ;.
Artillerie de la Division marocaine, 276è régiment d'artillerie crapouillots2 parc 8/112, Préface du Colonel Maloigne, Librairie militaire Chapelot, Paris
p. 25 : A la suite des opérations de Champagne, et comme récompense à son héroïque conduite depuis le début de la campagne, le groupe de l'artillerie de campagne de la division recevait leur première citation à l'ordre de l'armée. Le 26 octobre, la D.M. est passée en revue avec le 2ème corps de l'armée coloniale par le Roi d'Angleterre et le Président de la République.
dans la Liste des Officiers ayant appartenu à l'artillerie de campagne de la division marocaine, 1914-1918 , on y repère p. 82 : Parfoury : Médecin, aide-major
L'erreur d'écriture est une nouvelle fois manifeste3. Sans aucune hésitation, on fait la relation avec Jean PARFONRY. Selon les quelques indications qui lui sont relatées, il a donc du être intégré au 276ème Régiment d'Artillerie de la Division Marocaine, l'une des rares troupes qui furent envoyées du Maroc par le général LYAUTEY, dès le début de la guerre. Celui-ci, il est vrai, hésitait à se dégarnir de soldats qui allaient lui servir pour lutter contre les rébellions des tribus du Rif. Ces troupes furent opérationnelles dès le 23 août 1914 à Cons-la-Granville (Meurthe et Moselle). Elles se replieront progressivement au fur et à mesure des lignes de combat et de l'avancée des allemands. On les retrouvera ainsi successivement près de la frontière belge (Thin-le-Moustier), puis dans les Ardennes (Rethel, Seuil, Juniville) avant de bifurquer vers l'Artois puis la Somme, pour remonter par la suite sur Verdun. Au final, elles compteront la perte au combat de 30 officiers et de 425 artilleurs.
Rien ne peut témoigner d'un engagement de Jean PARFONRY dès les premières heures. Sa citation à l'ordre de l'armée en octobre 1915, dans le Journal Officiel, est néanmoins confirmée par un second document relatant au jour le jour les combats menés par la Division marocaine tout au long de cette guerre. Il y est effectivement mentionné de la citation à l'ordre de l'armée pour le groupe de l'artillerie de campagne de cette Division marocaine (A.C./D.M.) dont Jean faisait partie. Si dans le document officiel, il est décrit comme infirmier, il est repris en tant que médecin dans le document reprenant la chronologie des faits militaires. On peut penser que ce second document, dont la publication est autorisée par le Ministère de la Guerre, n'est pas basé spécifiquement sur une attestation officielle de diplôme, ce qui doit être plus précisément le cas d'un texte publié au Journal Officiel. Dans le document de l'Etat-Major des Armées, il est catalogué en tant qu'aide-major, un des grades inférieurs qui étaient déclinés pour désigner les médecins4.
Et plus que probablement, qu'il a été fait appel à cette catégorie d'étudiants, vu le nombre de victimes enregistrées dès les premières échauffourées. Car rien que dans le régiment de la Division marocaine auquel devait faire partie Jean PARFONRY, on y recense une vingtaine de médecin - aide major. Un seul y perdra la vie (DIGONNET) et sous réserve d'autres vérifications, Jean PARFONRY fut le seul d'entre eux à être cité. La même forme de recrutement a existé pour les vétérinaires. Cela en rapport à l'énorme effort engagé dans la mobilisation des équidés pour assurer le transport au début de la guerre. Rapidement cependant, les régiments de cavalerie s'avérèrent inefficaces contre la nouvelle puissance de feu dégagée par l'artillerie et les chars d'assaut.
Il est fort probable qu'il a dès lors fait partie des soldats qui ont été passés en revue le 26 octobre 1915 par le roi d'Angleterre Georges V et le Président de la République Raymond POINCARE, venus rendre le moral aux troupes. On ne peut dire, à ce stade, à quel moment Jean PARFONRY sera démobilisé pour lui permettre de poursuivre ses études.
Et pour relater les vélléités rencontrées par cette artillerie de campagne de la Division marocaine, tout comme cela avait été procédé pour témoigner du passage du Rhin en mars 1945 par Jacques PARFONRY, son neveu et filleul (voir article : La seconde vie de Jacques après Germersheim) , on reprend quelques extraits du document relatant l'épopée probable de Jean PARFONRY durant la première partie de ce premier conflit mondial. D'août 1914 à juillet 1916, l'A.C./D.M. combattra à la frontière belge, puis dans le secteur de Reims, en Artois avant de revenir en Champagne pour se retirer ensuite sur la Somme. Rien de concret ne permet de l'insérer dans les combattants qui ont survécu à l'hécatombe de Verdun et du Chemin des Dames.
Ce conflit ne résolvera malheureusement pas, une fois de plus, le partage alambiqué du territoire de la Basse et Haute-Lotharingie, issu de l'Empire de Charlemagne. Il faudra, une vingtaine d'années plus tard, renouveler l'expérience, avec cette fois l'apparition d'autres sentiments que purement militaires et territoriaux.
p. 16 : Le 9 juin, dès la première heure, l'intensité du tir ininterrompu pendant la nuit s'est accrue. La zone arrière ennemie disparait dans la poussière et la fumée des éclatements des 155 et des 220.... A 9h 45, le tir a pris toute sa vitesse, le ciel s'est complètement éclairci, et sous le soleil éclatant, brillent tout le long du parallèle de départ, les baïonnettes de l'infanterie prête à bondir. A 10 heurs, cette ligne étincelante s'anime et s'avance...;
p.17 : Dès le 11 juin, l'artillerie allemande déploie une activité de plus en plus intense. Le Boche, incapable de reprendre le terrain perdu, déverse sur les tranchées, les observatoires et la plaine de Berthonval, des tonnes de projectile. Les pertes sont sérieuses.
p.18 : Du 26 au 28 juin, la relève s'effectue et l'artillerie rejoint son infanterie dans la région d'Auxi-le-Chateau.....mais les pertes de l'artillerie nécessitaient une reconstitution des batteries et les fatigues de deux mois de tirs ininterrompus, de nuit et de jour, imposait un repos. Il fut largement accordé ;
p.20 : Le 25 septembre, à 9h 15, l'infanterie, depuis longtemps impatiente, s'élance à l'assaut..... le 4ème tirailleurs réduit brillamment la résistance acharnée des Boches dans les organisations formidables du bois Sabot ; les coloniaux ont franchi la cote 171 et marchent sur Navarin ;
p. 23 : Le 29 septembre,......, l'attaque du front est décidée, s'exécute le même jour et échoue devant des réseaux inconnus et intacts ;
p. 23 : Le 6 octobre, les reconnaissances d'infanterie, subissant de fortes pertes, constataient la solidité du front ennemi, l'attaque étant définitivement ajournée ;
Au final, on en retient que Jacques, au cours du second conflit mondial (lire article : La seconde vie de Jacques après Germersheim), aura été dans le même engagement que son oncle et parrain Jean lors du premier conflit. Les deux personnages auront apportés leur contribution personnelle pour défendre leurs idéaux. Et on pourrait trouver finalement l'explication du choix de l'engagement de Jacques dans une division marocaine, comme pour rechercher une certaine cohérence avec celui de son parrain Jean dans une unité de même origine. Il faut très peu croire au hasard quand on trouve de pareilles similitudes. Une continuité qui s'inscrit dès lors sur la carte de visite de la famille reprenant déjà la liste des résistants qui y ont parfois donné de leur vie (voir article : Et si on parlait de nos Résistants)
1 Jean PARFONRY est l'un des deux petits-fils du marbrier François-Xavier PARFONRY ;
2 Crapouillot : dans le langage des combattants de la première guerre (les poilus), ce terme est attribué aux mortiers de tranchée servant à lancer des pièces d'artillerie ;
3 Il a également été vérifié qu'aucun rapprochement ne pouvait exister avec une personne portant le nom de famille PARFOURU ; aucun soldat de ce nom n'a été recensé pour la période de la première guerre mondiale ;
4 L'appellation Médecin-major a été utilisée jusqu'en 1928 pour désigner les médecins militaires comprenant plusieurs grades (major de première classe, major de seconde classe, aide-major, sous-aide-major) ;