Les récentes élections françaises nous ont démontré que la Corrèze est un département stratégique en vue de l'accession au poste de Président de la République. Après Jacques CHIRAC, au cours de deux mandats successifs, voici qu'un certain François HOLLANDE vient de réussir le même parcours. Avoir trois mandats présidentiels pour une densité de population de 42 hab./km2 est assurément un exploit. Sans omettre Jacques DELORS, l'un des ténors de la politique européenne, qui est originaire de la localité de Le Lonzac. Simple département rural du Centre de la France, il existe manifestement une attirance dans ce coin du terroir pour découvrir les ors de la République. Un parcours qu'on fait bien avant eux tous les ardéchois pour aller peupler la capitale pour d'autres aspirations.
Mais ce Département de Corrèze, assez peu peuplé, créé à la Révolution en 1790, en prélevant une partie de la Province du Limousin, se devait de se faire valoir. Ne disposant pas ou peu de structures administratives, les autorités se sont attelées à lui octroyer des bâtiments en rapport avec sa nouvelle légitimité.
Plusieurs rapports du Préfet faisant état des délibérations du Conseil général de Corrèze, mentionnent ainsi des éléments en relation avec la construction du Nouvel hôtel de Préfecture (Source : Département de la Corrèze,. Conseil Général. Rapport du Préfet et PV des délibérations, Tulle, Imprimerie Crauffon; Sessions d'avril 1879, d'août 1879 et d'avril 1881).
Selon toute vraisemblance, la décision de construction de ce bâtiment fut prise vers 1866. On fait référence à cette année, dans le cadre d'un problème de révision des prix, lors d'une session d'août 1879. La guerre franco-prussienne de 1870 en interrompit la construction.
Pendant plusieurs années, suite à une action prise en séance du 24 avril 1878 du Conseil général de Corrèze, le Préfet intenta des actions en justice, associées à des expertises, contre les entrepreneurs généraux MM. DEMAY et MANDON du nouvel hôtel de préfecture, concernant notamment le règlement des travaux effectués par les sous-traitants directs. Selon ce qu'il en découle, des paiements aux sous-traitants avaient été fait par l'intermédiaire de MM. DEMAY et MANDON, lesquels avaient ainsi reçus des sommes considérables de la trésorerie générale. Ceux-ci manifestement ne se montraient pas toujours très scrupuleux pour payer les sous-traitants, leurs facturant en surplus certaines dépenses (transports de matériaux, voyages d'ouvriers) effectuées en dehors des procédures prévues dans le marché. Avec en plus, comme corolaire, que ces derniers se rétribuaient une commission de 10% pour chaque facture due. Et tout cela se compliquant par le fait que " certains travaux seraient défectueux, mal façonnés, inachevés même, détériorés enfin ". Vu l'absence de toutes pièces justificatives régissant ces singuliers marchés dans la comptabilité des sous-traitants, le Conseil Général prit la décision de faire vérifier par des architectes-experts, les sommes effectivement payées afin d'éviter d'avoir à payer deux fois.
Finalement, un arrêté du Conseil de Préfecture du 14 avril 1881 statue sur le litige en octroyant les reliquats des montants à verser aux sous--traitants.
Et parmi la liste de ces sous-traitants, on relève le nom de l'entreprise PARFONRY-LEMAIRE, chargée du lot Marbrerie. Sur un montant global du marché de 14 538,65 frs qui leur avait été attribué, le litige des reliquats (avec intérêts) non versés s'est élevé au final à 7 398,96 frs, somme qui est définie dans le PV de la session d'avril 1881. Ce chiffre est d'un montant supérieur de 1 036,42 frs à celui qui avait été calculé lors de la session d'avril 1879 (5 746,76 frs). Une singulière inflation des chiffres de 18 % sur deux petites années, provoquée par les tergiversations des différents acteurs. Même si on peut regretter que notre cher François-Xavier, avec son comparse le sculpteur LEMAIRE, ait du ainsi attendre de nombreuses années avant de se voir rétribuer le solde de quasi 50% de son travail.
Parmi les autres sous-traitants, il convient de souligner la Société du Val-d'Osne de Haute-Marne, créée en 1836, qui était la plus importante unité de production de fonte d'art en France. Pouvant être comparée avec l'entreprise PARFONRY-LEMAIRE, considérée à cette période comme la plus grande dans sa catégorie du marbre d'art, cela dénote de la prestance qui avait été souhaitée pour cet Hôtel de Préfecture de Corrèze.
Pour la petite histoire, la session d'août 1883 du Conseil Général de Corrèze, entérine la liquidation des comptes des entrepreneurs généraux DEMAY et MANDON, avalisant la fin du différend entre le Conseil Général et les entrepreneurs. Les travaux de l'hôtel de la Préfecture sont finalement reconnus comme terminés, quelque 17 années après les premières décisions, et après avoir renoncé à relier cet hôtel avec les bureaux par une galerie vitrée. Manifestement, les coûts d'expertise et les recours en Justice demandés par les différentes parties avaient du plomber les comptes de la Trésorerie.
Il est assurément présomptueux de dire que cette collectivité territoriale de la Corrèze est, de nos jours, la plus endettée de France, à la suite à cette construction de l'hôtel de la Préfecture au XIXème siècle. Mais on ne peut évacuer de notre esprit le chiffre de l'inflation appliquée aux retards de paiements pour en expliquer une certaine partie. Tandis que l'auvergnat se contentait d'offrir quatre bouts de bois à son prochain (selon G. BRASSENS), le corrézien se lançait à l'assaut de la rue du Faubourg Saint-Honoré. Sans conteste, l'envoi à Paris quasiment successif de deux Présidents de la République a occasionné des dépenses nombreuses. Le Département de la Corrèze est en sorte devenu " la Manufacture des Présidents " (Emission Elysée, Matignon, Solférino lors du J.T. de 13 heures de France 2 du 24 juin 2012). Sans omettre de dire que Tulle a obtenu le challenge de ville la plus sportive de France. Mais cela ne lui a pas encore permis d'envoyer l'un de ses sportifs aux Jeux Olympiques.
Tout cela ne doit pas nous enlever le plaisir de prendre le chemin de Tulle pour aller admirer les marbres de François-Xavier. La reconnaissance de la beauté et de la valeur architecturale du bâtiment arrivera tardivement. L'hôtel de la préfecture de Corrèze, situé à Tulle, n'est inscrit dans la liste des monuments historiques que depuis 2000.
Le site http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%B4tel_de_pr%C3%A9fecture_de_la_Corr%C3%A8ze , compulsant la liste des bâtiments classés et inscrits en Corrèze, permet de trouver une photo de cette impressionnante construction.