Habitué à découvrir des modèles de montres à gousset pour hommes de l'horloger Emile PARFONRY, la surprise n'en fut que plus importante pour ce dernier exemplaire retrouvé. Contrairement aux autres pièces présentant un couvercle de métal argenté de dimension raisonnable, celle-ci était une petite montre en or 18 carats de quelques 2,7 cm de diamètre, marquée du numéro 5721. Le mécanisme interne d'horlogerie ne comporte aucune référence quant à un brevet de fabrication.
Tout en venant s'ajouter aux quelques exemplaires dèjà récupérés, le parcours de ce modèle en ajoute avant tout à l'intérêt. Même partielle, la description ouvre la possibilité de certaines pistes de suivi sur base de ce que nous en a relaté la personne qui nous a proposé d'entrer en possession de cet objet.
" Cette montre a été au départ la propriété d'un haut gradé militaire d'origine allemande, répondant au nom de WEICKERT. Il a épousé une belge et ont habité à Uccle (Bruxelles). Leur fille Marie-Louise, née vers 1930, a reçu cette montre en héritage. Restée célibataire, elle a finalement transmis, avant sa mort en 2010, cet objet à une de ses amies. Toujours vivante, c'est par l'intermédiaire de sa fille Isabelle WAYS que cette montre a intégré la collection rassemblée de l'horloger ".
Que retenir de cette transmission de mémoire ? Le seul élément déterminant de ce parcours est le nom de ce militaire allemand. Sa présence à Bruxelles ne semble pas résulter de la période de la première guerre mondiale. Il a probablement du arriver, au vu de l'année de naissance de sa fille, après 1920. Aucun détail supplémentaire n'a pu m'être fourni par Mme Renée WAYS-DAMIEN, l'amie de la fille de ce WEICKERT.
Seule piste intéressante pouvant être retenue, en rapport avec les éléments déjà relevés, la naturalisation ordinaire en 1939, d'un dénommé WEICKERT Ludwig-Conrad, né à Nürnberg (Nuremberg) le 25 août 1878, et habitant la Belgique depuis 1925. Il est mentionné comme Agent commercial à Uccle. Ayant satisfait aux obligations sur la milice dans son pays d'origine, son mariage avec une belge et la naissance d'une fille sont également repris dans la justification pour l'obtention de cette naturalisation1. Agé donc à ce moment de 61 ans, les dates, la nationalité et la présence à Uccle ne laissent que peu de doutes sur le lien avec le militaire allemand. Seul élément non concordant, la référence au satut d'agent commercial ne confirme pas totalement de l'identité d'un seul et même personnage. Ayant des carrières plus courtes, il se peut que ce militaire allemand, arrivé en Belgique à l'âge de 47 ans, ait officié comme agent commercial après sa mise à la pension. Sans être assuré de ce critère, la piste est néanmoins cohérente et crédible. Ce Ludwig-Conrad WEICKERT est bel et bien celui qui est entré en possession de cette montre.
Arrivé à Bruxelles en 1925, WEICKERT n'a pu acheter ce modèle de montre directement dans le magasin de l'horloger, installé dans la rue de Namur à Bruxelles2. Il est par contre très probable qu'elle ait été acquise pour l'offrir en cadeau à son épouse. Deux éventualités peuvent être dans ce cas envisagées. Soit, la montre s'est retrouvée après 1918 en Allemagne, ramenée par un soldat allemand et récupérée par ce WEICKERT. Soit, ce même WEICKERT a acheté directement à Bruxelles cette montre dans un magasin spécialisé, peu après son installation en Belgique. Autre possibilité, WEICKERT lui-même, serait entré en possession de cette montre pendant la guerre 14-18. Ayant 36 ans en 1914, il aurait pu faire partie de l'armée allemande qui a envahi la Belgique. Ce qui reste malgré tout à être confirmé.
Pour la première fois, l'action de se réapproprier une montre de l'horloger Emile PARFONRY s'est vu consolider par la connaissance partielle de son parcours. Une manière de combler notre curiosité sur un objet marqué non seulement de notre patronyme mais aussi de notre histoire familiale. Et complétant cette satisfaction modeste, la consistance en or du boitier n'en confère que plus de valeur. Le prix fixé, après un échange de mails, est bien en rapport avec la valeur marchande et symbolique de ce modèle.
1 Projets de Loi présentés par la Commission des Naturalisations, Chambre des Représentants, session extraordinaire 1939, n°130 et 131 (Liste n° 14) ;
2 Ce magasin de l'horloger PARFONRY a été cédé à un autre horloger (Maison ROSSEELS) vers 1906 ;