Au sein des membres de notre patronyme, on a pu constater qu'il a essaimé dans plusieurs domaines d'activités, comme pour témoigner, malgré le nombre relativement peu élevé d'individus, de sa réelle représentativité sociétale. De nombreux secteurs avaient ainsi été couverts, tout au long de ses articles. Un seul, à vrai dire, manquait à l'appel. Il n'y avait été fait mention d'aucun sportif d'un certain niveau.
Ce déficit d'images devait être comblé par nécessité. C'était manifestement un oubli car depuis longtemps, j'avais gardé en mémoire l'existence d'un cycliste belge de ce nom ayant porté le maillot national.
Ce cycliste s'appelait Alphonse Parfondry, né à Libin1 le 1er janvier 1896. Son fait de gloire était d'avoir obtenu une .... médaille olympique en argent. Il restait désormais à étayer cette médaille par des éléments plus concrets.
Deux extraits dans un journal français allaient faire sortir de l'ombre notre sportif, le seul ayant jusqu'à ce jour, défendu avec panache notre patronyme. On y découvrait ainsi qu'il avait participé aux Jeux Olympiques de Paris en 1924. Terminant 6ème d'une course en ligne (72 partants), courue en fait sur un contre-la-montre de 188km, il obtient sa médaille d'argent grâce au classement par équipes. En insérant trois coureurs parmi les 10 premiers, la Belgique obtenait la deuxième place derrière la France et devant la Suède.
Et la Belgique complétait lors de ses J.O. par une médaille de bronze en poursuite par équipe en se classant à la troisième place, après l'Italie et la Pologne, avec un quatuor de coureurs où l'on retrouve Henri Hoevenaers (1902-1958), Jean Van den Bosch (1898-1985) et Fernand Saive (1900-1981), les trois participants de la course en ligne, auquel on adjoignait un certain Léonard Daghelinckx (1900-1987), en lieu et place de notre Alphonse Parfondry. Difficile d'en connaitre, après autant d'années, l'explication de ce changement. Sur une photo du journal, on constate que le team cycliste belge comprend 12 personnes, y compris le personnel d'accompagnement. Et Alphonse Parfondry y est la seule personne manquante2. Etait-il blessé ? Etait-il en désaccord avec l'équipe ? Avait-il été écarté ? Avait-il préféré donner sa place ? Avait-il fêté un peu trop sa médaille ? Désirait-il se reposer ? Autant de questions dont les réponses restent ouvertes. Etonnant tout de même, après avoir montré ses capacités de poursuiteur individuel sur 188 km, d'être remplacé par un coureur qui était catalogué comme sprinteur. L'allusion du journaliste, à son sujet ne manque pas de sel. Alphonse Parfondry y est décrit comme " un gaillard qui avance également très bien ". Ce qui est évidemment assez heureux pour un coureur cycliste. Mais qui peut être interloquent quand on ne le retrouve pas dans l'équipe belge de poursuite. Avec en corollaire le fait qu'il s'avère mentionné dans la liste des favoris pour le championnat du monde amateurs qui va suivre et pour lequel rien n'est certain de sa participation3.
La Pédale. Revue hebdomadaire de la bicyclette et de ses accessoires, 30 juillet 1924
p. 11
Ce qu'on fait les Belges
La première place, dans le team belge, a été occupée par Hoevenaers, champion amateur depuis plusieurs années. Henri Hoevenaers est un coureur de grande classe, déjà pressenti depuis quelques temps pour tourner "pro", mais qui s'y refuse énergiquement.........
Le second classé est Parfondry; c'est un gaillard qui avance également très bien. C'est ainsi qu'après 100 kilomètres de course, il avait conservé les huit minutes d'avance qu'il avait au départ sur Leducq. Il ne fut pas trop malchanceux et réussit à devancer nettement notre champion, terminant sixième au classement général.
Résultat Course cycliste amateur individuel sur route, Jeux olympiques de Paris, 19244
1. Armand Blanchonnet Fr 6h 20'48" Médaille d'or
2. Henri Hoevenaers Bel à 09' 39" Médaille d'argent
3. René Hamel Fr 10' 03" Médaille de bronze
4. Gunnar Skold Sué 12' 48"
5. Albert Blattmann Sui 13' 21"
6. Alphonse Parfondry Bel 15' 09"
7. Eric Boklin Sué 15' 24"
8. Georges Wambst Fr 17' 26 "
9. André Leducq Fr 18' 28 "
10. Jean Van den Bosch Bel 19' 43 "
.............
16. Fernand Saive Bel 27' 28"
Résultat Course cycliste sur route amateur par équipe, Jeux olympiques de Paris, 1924
1. France (Blanchonnet, Hamel, Wambst), Médaille d'or
2. Belgique (Hoevenaers, Parfondry, Van den Bosch), Médaille d'argent
3. Suède (Skold, Boklin,....), Médaille de bronze
4. Suisse 5. Italie 6. Pays-Bas 7. Grande-Bretagne 8. Luxembourg 9. Argentine 10. Yougoslavie
Résultat Poursuite par équipe 4000 mètres, amateur
1. Italie
2. Pologne
3. Belgique (Henri Hoevenaers, Jean Van den Bosch, Fernand Saive, Léonard Daghelinckx)
p. 13
Le Championnat du monde amateurs sur route
C'est samedi que va se disputer le Championnat du Monde amateurs sur route. L'U.V.F. en a assumé l'organisation. Il est probable que la plupart des olympiens de juillet y prendront part. De la sorte l'épreuve s'annonce comme devant présenter un transcendant intérêt.
Il ne s'agit plus d'une course contre la montre. Il s'agit d'une belle course en ligne. Nous verrons si nos Blanchonnet, Hamel, Wambst, Leducq, Bocher.... et autres as notoires de l'amateurisme français, pourront enlever le trophée mondial aux Hoevenaers, Marsch, Parfondry, Skold et autres étrangers. ......;
De tous ces coureurs amateurs repris, au travers de ces deux extraits de presse, seul le français André Leducq (1904-1980) poursuivra une carrière professionnelle des plus marquantes. Après être devenu la même année, en 1924, champion du monde amateur, il remportera chez les professionnels Paris-Roubaix en 1928 et deux fois le Tour de France en 1930 et 1932. Et il faudra attendre un certain Eddy Merckx pour lui ravir la primeur sur ses 25 victoires d'étape. Du côté belge, Henri Hoevenaers, après avoir été 4 fois champion de Belgique sur route amateur de 1922 à 1925 et champion du monde amateur en 1925, prendra une courte licence de professionnel entre 1926 et 1928. Il en sera de même pour Fernand Saive, qui, avec beaucoup moins de brio cependant, sera le seul des belges à terminer le Tour de France à la 32ème place en 1926.
Quant à notre Alphonse Parfondry, ses autres résultats sont quelques peu épars. Grâce à la collaboration de la Fédération cycliste Wallonie-Bruxelles (FCWB)5, son nom apparait dans le classement de quelques courses à partir de 1922. Il a essayé de s'orienter plus volontiers vers le cyclo-cross.
- En 1923, on le mentionne à la 80èmeplace du championnat de Belgique toutes catégories de cyclo-cross (189 partants), vainqueur Théo Van Eetvelde ;
- En 1924, 12ème du championnat de Belgique cyclo-cross amateurs (89 partants), vainqueur Fernand Saive ;
- En 1925, chez les indépendants, 67ème du championnat de Belgique (275 partants), vainqueur P. Verhaegen ;
Compte tenu de ses résultats assez modestes dans cette discipline, on peut considérer qu'il a été plus performant sur route. Il est ainsi 6ème d'un Bruxelles-Ciney en 1922 (vainqueur Jean Van den Bosch), 4ème d'un Uccle-Seneffe-Uccle en 1923 (vainqueur Jean François). En 1924, il est 3ème du Circuit des Provinces, course par étapes remportée par ce même Jean François, et il termine encore à la cinquième place, le 8 juin 1924, entre Bruxelles et Seraing, gagnée par Henri Hoevenaers, sans doute l'inaccessible belge de cette période6. Rien d'autre sur ce parcours de coureur cycliste, indiquant par là qu'il n'a pas du suivre André Leducq ou Henri Hoevenaers au niveau professionnel7 , ces derniers étant plus jeunes que lui. Agé de 28 ans au moment de l'obtention de sa médaille, le plus vieux de l'équipe belge lors des Jeux Olympiques, il a sans doute jugé qu'il était trop tard pour passer dans cette catégorie.
Sur le plan généalogique, les données recueillies sur Alphonse Parfondry sont insuffisantes pour l'insérer avec certitude dans la nébuleuse des quelques branches repérées à ce jour par nos soins. Il reste à avancer certaines suppositions. Son lieu de naissance à Libin en est un des rares indices. C'est dans le village proche de Maissin, bien qu'un peu perdu au milieu de nulle part, que l'on trouve le Pont Marie-Thérèse , lequel vaut le détour8. C'est en effet par ce pont enjambant la Lesse que transitait tout le passage entre Liège et Paris, via Bouillon, au cours des XVIIIème et XIXème siècles. La Lesse, affluent en rive droite de la Meuse, par sa déclivité et par le volume de ses eaux, offrait une barrière au transit entre le Nord et le Sud. Il y fut décidé, à l'instigation de l'Impératrice d'Autriche Marie-Thérèse, qui règna de 1740 à 1780, la construction d'un pont en pierres de 4 arches.
Sur le plan géographique, le site de Libin, lieu de naissance d'Alphonse Parfondry, n'est donc pas sans attirer l'attention. L'arrivée à Libin signifiait qu'on venait de passer la Barrière de Transinne, lieu de passage entre la Principauté de Liège et le Duché de Luxembourg ou chacun devait s'acquitter de payer des taxes. Libin constituait de fait l'un des premiers villages hors du territoire de la Principauté.
Pour expliquer cette situation, un rappel historique est de circonstance. Au sein de la Principauté de Liège, une opposition assez marquée s'était manifestée depuis le XVIIème siècle, suite à la suppression du système électoral octroyé aux métiers, entre le monde populaire (les Grignoux), favorable à la France et la bourgeoisie (les Chiroux), favorable au prince-évêque et aux Habsbourg9. Cette situation perdura jusqu'en 1795, avec l'annexion à la France. La Principauté de Liège fut aussi le dernier bastion de la Basse-Lotharingie, dont le territoire fut occupé par les différentes armées d'Europe10. La combinaison de la situation politique, des exactions des armées et des périodes de disette entraina immanquablement des exils. Les gens du peuple n'avaient comme principale solution que de se diriger vers la France en empruntant cette voie passant par ce pont sur la Lesse. L'opposition atteindra son paroxisme en 1793 lorsque les élus de la Convention nationale liégeoise, exilés à Paris à la suite de la Révolution liégeoise de 1789, voteront le Rattachement à la France. Cette route restera par la suite assez fréquentée, même après l'indépendance de la Belgique en 183011. De nombreux belges continueront à migrer à cette époque vers la France et particulièrement vers Paris12. L'hypothèse de la naissance à Libin, sur la route de l'exil, est donc une possibilité à envisager.
Quant à appréhender à quelle branche on doit relier notre médaillé olympique, cela relève pour l'instant de la simple déduction de faits. Il est le seul des cinq coureurs belges mentionnés dont il n'est pas recensé son lieu et sa date de décès dans les archives du cyclisme. Le fait qu'il soit resté de nationalité belge ne délimite pas nécessairement le champs d'action. En priorité, on pourrait y voir un lien avec cette branche des Parfondry d'Aywaille qui, descendant de la vallée de l'Amblève, se sont fixés un peu plus au sud, du côté de Bertrix, avant de migrer pour certains un peu plus tard sur Paris. Cela nous semble toutefois assez peu probable du fait que cette dernière branche a été assez complètement identifiée et qu'elle s'est installée près de Bertrix dès la fin du XVIIIème siécle par le mariage en 1794 du premier de la lignée en provenance d'Aywaille. De plus, il n'y apparait aucun Alphonse comme prénom dans toute la généalogie. Quant à la branche de Forchies-la-Marche, pour laquelle on n'y voit pas non plus de mention d'un tel prénom, le lieu de naissance à Libin nous semble trop externe par rapport à la concentration de cette branche dans le Hainaut. On conçoit peu la logique d'un tel déplacement d'ouest vers l'est.
Il nous reste dès lors deux autres possibilités. Soit, Alphonse Parfondry fait partie de cette nébuleuse de Parfondry, qui s'est probablement dispersée à partir de Huy, suite aux guerres de Louis XIV, et que l'on a retrouvé à différents endroits13, sans pouvoir en établir un lien entre les différents noms relevés dans les actes de naissance. La naissance dans la commune de Libin semble toutefois assez ponctuelle, et assez tardive, par rapport aux autres répartitions de cette nébuleuse. Soit, il est relié à la branche des Parfondry de Trognée au sein de laquelle est repéré un autre Alphonse Parfondry, né le 22 décembre 1854 à Trognée, ayant exercé le métier d'arpenteur et de comptable. Ce n'est évidemment qu'une suggestion mais dans ce cas Alphonse, le médaillé olympique, pourrait être un " cousin " !!
Suite à cet article, il apparait assez clair que l'amélioration des données permettant d'expliquer les déplacements des branches se nommant de nos jours PARFONDRY, a atteint à mon niveau une certaine limite. Si le but souhaité est avant tout, à travers ces articles, une recherche, au travers d'un patronyme, sur la mémoire et la relation avec des faits de société, il est indéniable que l'édification d'une meilleure structuraton de l'histoire de ce patronyme, à partir des informations contenues dans les différentes familles PARFONDRY vivant de nos jours, permettrait de clarifier pas mal de points mais aussi permettrait d'accentuer la cohérence des informations déjà rassemblées.
De nombreux PARFONDRY sont recensés sur Facebook, témoignant d'une certaine vigueur de ce patronyme. Je lance donc un appel à tous ces PARFONDRY, surtout ceux de Belgique, pour qu'ils me transmettent les quelques informations sur leurs ancêtres dont ils ont connaissances. Les sites de généalogie ont des limites dans le recueil des données que seule une mémoire active peut arriver à combler. Si cet appel pouvait permettre de découvrir qui sont les parents de ce médaillé olympique, on effacerait déjà le doute quant à son origine. Cette médaille olympique doit bien exister dans le souvenir de l'existence. Elle n'est pas si veille que cela en fin de compte.
1 Libin : commune de la Province de Luxembourg ;
2 En conséquence, il n'a pas été jugé utile de reproduire cette photo au niveau de cet article
3 Championnat du monde amateur qui fut remporté par André Leducq ; Blanchonnet, le médaillé d'or olympique terminant troisième ;
4 Courue en fait sous la forme d'un contre-la-monde individuel de 188 km ;
5 En remerciant pour leurs aides, MM. Thierry Maréchal, Président de la FCWB, et Guy Crasset, collaborateur et archiviste ;
6 Journal La Pédale du 22 octobre 1924 ;
7 Les résultats sportifs ont été visionnés sur le site Les-sports.info ;
8 Inscrit depuis 1989 dans la liste du Patrimoine immobilier de Wallonie ;
9 Avec la célèbre phrase de Mirabeau s'adressant au liégeois en 1787 : Que pouvez-vous demander encore ? Nous ne cherchons à faire une révolution que pour obtenir quelques-unes des garanties que vous possédez depuis des siècles ;
10 Quant à ,la Haute-Lotharingie, la question ne fut résolue qu'au moment du référundum de 1955 par lequel les habitants de la Sarre choisirent de retourner à l'Allemagne plutôt qu'à la France ;
11 Il est encore vrai que de nos jours la célèbre N4 et l'autoroute E411 passent aussi par Libin, mais cette fois pour favoriser un autre type d'exode vers la ville de Luxembourg ;
12 dont le marbrier François-Xavier Parfonry, en provenance plus que probablement d'Anvers où de Bruxelles; mais aussi Lambert Parfondry, en provenance de Trognée, ainsi qu'Albert, Eugénie, Nicolas et Marie-Thérèse Parfondry en provenance de la région de Bertrix ;
13 dont la branche des Parfondry de Forchies-la-Marche ;