Après avoir abordé la vie de Marcel dans un article précédent où la densité, la diversité des rencontres et des sujets, méritent nécessairement une seconde lecture, voici un sujet plus serein, plus léger, moins problématique qui est une sorte de détente après la complexité.
A travers cet article, il est proposé de faire mieux connaissance. En relatant une étape de mon parcours estudiantin à la Faculté des Sciences Agronomiques de Gembloux (1967-1973). Une façon de proposer une transition. De sortir de ce monde des archives, qui, grâce à ce nouveau monde virtuel, fut celui qui nous a permis de retrouver la mémoire du patronyme. D'être un peu plus dans le réel pour une fois.
Durant cette période estudantine, je fis partie à deux reprises du Comité des Etudiants, comme éditeur responsable de la revue « Agro Gembloux » mais aussi comme membre du Comité d’organisation du baptême des lapins1. Pour rappel, la période des études n'est pas des plus anodines. Mai 1968 venait de déferler sur Paris, et ses effets secondaires, telles ces plantes invasives que l'on découvre de nos jours dans nos jardins, arrivaient sur les campus des pays environnant. C'est ce qui fut constaté, même pour la petite Faculté de Gembloux, rassemblant quelques 400 étudiants (pour 5 années d'études), potentiellement aptes à obtenir le diplôme. Mais le lien avec la campagne et les origines rurales avaient commencé à se délier. Nous étions trente ans après la fin de la dernière guerre et on voyait arriver une foule de Bobo en provenance de la ville qui avaient du mal à faire la différence entre un épi de blé et d'orge, voire à reconnaître au vol un hanneton, l'un des premiers insectes à avoir fait les frais de l'intensification de l'agriculture.
Des débats serrés et contradictoires se sont déroulés lors des élections de 1970 et 1971 pour la composition du Comité des étudiants. La vieille garde, héritière de la sensibilité des campagnes, a su résister aux idées révolutionnaires qui sévissaient dans la grande majorité des amphithéâtres. Les résultats de ces élections ont été retrouvés. Pour les comprendre, il est utile de souligner que les étudiants contestataires préféraient recourir à l’abstention plutôt que de s’y présenter. Croyant que cette stratégie ne permettrait pas d'obtenir le quorum minimum des voix pour être élu2. Cela ne leur a pas réussi.
Pour celles de 1970, on mentionne pour 167 votants3, les résultats suivants :
Présidence : DENAYER Jean. ; 90 oui (élu)
Vice-Prés. Intérieur : ANDRE Michel ; 45 oui
DEHON Jean Paul ; 108 oui (élu)
Vice-Pré. Extérieur : HEUCHENNE Bernard ; 149 oui (élu)
Trésorier : BULTEAU Michel ; 152 oui (élu)
Secrétariat : FOUREZ Roland ; 54 oui
PARFONRY Roland ; 57 oui
ROBERT Marguerite ; 53 oui
Office des cours : WATHELET Jean – Paul : 149 oui (élu)
La seule inconnue, à la lecture des résultats, était donc l'attribution du poste, tant convoité, de secrétaire. Deux candidats de la ligne traditionnelle s'étaient présentés, même si j'avais eu la tendance de me démarquer de mon ami Roland Fourez, plus volontiers porté sur la traditionnelle transcription de faits en lien direct avec la gouaille étudiante. Vis à vis, une candidate de l'opposition avait, malgré tout décidé de s'inscrire. Un risque évident de diviser les voix et de donner une visibilité assez grande, vu l'importance de la fonction au niveau des rédactions de texte et de la communication. C'est ce qui se passa immanquablement. Les résultats, très serrés, ne pouvaient pas aboutir sur un deuxième tour, au risque de ne pas atteindre le quota minimal des voix (50% des votants). A l'analyse des chiffres, on se rend compte que c'est sur les deux postes de Président (élu avec seulement 53% des voix) et de Secrétaire que l'opposition se focalisait. Roland Fourez analysa rapidement la situation et déclara, très sportivement, qu'il reportait ses voix sur moi. Le piège avait été évité.
J’ai eu la prétention de vouloir modifier quelque peu le contenu de la revue "Agro-Gembloux", en y insérant plus volontiers des articles d’informations devant apporter un nouvel équilibrage vis à vis de ceux se complaisant à rapporter les délires d'étudiants, ancrés dans le bien - être des trente glorieuses. Du genre : Quels sont leurs films préférés ? (on parle des profs évidemment)
N'ayant pas conservé tous les exemplaires, je reprends, comme exemple de la nouvelle approche, deux titres évocateurs. Dans le numéro de mai 1971, je rédigeais un article sur l’Office de Coopération au Développement (O.C.D.), ancêtre de l’Administration Générale de Coopération au Développement (A.G.C.D.), organisme au sein duquel j’effectuerai par la suite la plus grande partie de ma carrière à l’étranger (de 1975 à 1991). Dans le numéro de février 1973, un article sur l’Europe verte et ce fameux Plan MANSHOLT était cette fois inclus. La consistance de ces articles reflétait assez bien la personnalité des membres du comité des étudiants.
Et pour les élections suivantes de mars 1971, nous fument, avec Bernard Heuchenne, les seuls à nous représenter au même poste et cette fois sans concurrence. Avec toujours une opposition présente sur le campus mais toujours inexistante quant à sa volonté de se présenter démocratiquement. Cette fois, elle tenta bien de s'attribuer le poste de .... trésorier, sans succès. Après avoir voulu s'accaparer des idées, voilà que ce groupuscule était tenté par la gestion financière. L'abstention fut par ailleurs moins importante car il y eu cette fois 243 votants.
Présidence : THONART Philippe ; 145 oui (élu)
Vice-Prés. Int. : SCHIRVEL Bernard ; 196 oui (élu)
Vice-Prés. Ext : HEUCHENNE Bernard ; 191 oui (élu)
Trésorier : DEBRUGE Jean ; 150 oui (élu)
WASTERLAIN Philippe ; 85 oui
Secrétariat : PARFONRY Roland ; 156 oui (élu)
Malgré ce souci de faire évoluer les textes dans la revue, il était évident que l'on ne pouvait faire table rase sur l'histoire des annales étudiantes remontant à des années lumières. Un équilibre devait être maintenu afin de conserver l'assiduité des lecteurs, toujours à la recherche de ce quelque chose qui ne rentrait pas dans la logique de la conversation autour de la table familiale. Il fallait bien accepter de temps en temps des textes qui mettraient à l'épreuve les zygomatiques des étudiants joyeux et débonnaires que nous étions encore.
Ma faible aptitude à maîtriser mes cordes vocales me valut ainsi de nombreuses citations dans les fameux ragots anonymes, que je me faisais fort d'insérer, et qui restaient malgré tout un must pour occuper nos temps libres. J’en ai retrouvé quelques unes des citations. Ce qui donne évidemment le sentiment d'avoir été, durant cette période, une sorte d'exutoire complaisant pour ceux qui avaient des problèmes d'insomnies.
En avril 1970 : R. Parfonry cherche engagement dans groupe vocal, même religieux, voix intéressante, tient particulièrement bien le Si ;
Parfonry a été élu bien qu’on ait toujours dit qu’il n’avait pas de voix (NB : suite aux résultats de l’élection du nouveau Comité des étudiants)
Et en mai 1971 : PARFON (notre barde) : Il fit un succès complet au Malouf à Tunis dans son tube : « Il pleut dans ma maison, ah, ah… » (N.B. : cela s’est passé pendant le voyage de fin d'études en Tunisie, à l’occasion d’une soirée entre étudiants ; certainement que ce type d'expression libre ne pourrait plus se réaliser de nos jours, No comments obviously !! ) ;
mais aussi : Parfon a ramené un tambour tunisien pour masquer ses fausses notes ;
Et dans la rubrique « Les films qu’ils préfèrent » : Parfon : L’homme orchestre ;
De toutes ces personnes au sein des Comités étudiants, je n'ai plus eu de contacts si ce n'est quelques rencontres fortuites, dans les aéroports (Philippe Thonart), aux soirées Peyresq4 (Jean Denayer) ou chez mon beauf (Roland Fourez). Aucunes nouvelles par contre de Jean-Paul Dehon (Biloute), Bernard Heuchenne (l'archiviste), Bernard Schirvel (celui de la décalco Agro-Gembloux), Michel André (le français râleur) et Michel Bulteau. Jean Debruge nous a malheureusement déjà quittés.
Voilà, c'est déjà terminé. Contrairement aux autres articles, il n'y a pas grand chose à en retenir. Je me suis permis un petit moment de convivialité en dévoilant une face peu connue de mon parcours. Il faut bien oeuvrer quelque peu à la reconstitution de sa propre mémoire pour les générations futures.
1 Lapin : Etudiant entrant en première année de candidature à la Faculté de Gembloux ;
2 Ne peuvent voter que les étudiants qui sont en règle de cotisation bien évidemment ;
3 La grande majorité des étudiants étrangers, peu sensibilisés à ce type de représentation et de folklore, ne venait pas assister aux élections ; ce qui explique le nombre relativement modeste des votants ;
4 Peyresq est un village des Alpes de Haute-Provence, dont de nombreuses maisons ont été rachetées et remises en état par des Ecoles supérieures belges (voir http://www.milin-colis.be/peyresq/peyresq.php?idmenu=152500) ; ces repas servent à financer la rénovation de Céres, la Maison de Gembloux à Peyresq ;